Une fois encore, nous voici placés par l’Évangile, au cœur des
vignes.
C’est la saison !
Il y a deux semaines, je
célébrais un joyeux mariage en Bourgogne, entre Meursault et Pommard.
Le vin y fut, sans doute,
presque aussi bon que celui de Cana !
J’ai expliqué aux futurs
mariés que, dans la Bible, la vigne est souvent un symbole fort.
Il y a les sarments sur qui il
faut veiller, qu’il faut entourer de mille attentions afin qu’ils donnent le
meilleur.
Il y a les raisins qui
réjouissent les yeux et le palais et qui, amoureusement travaillés, donnent du
bon vin. Parfois de très grands crus !
La vigne, dans la Bible,
désigne le plus souvent le Royaume de Dieu qui nous est confié…
Dans les lectures que nous
venons d’entendre, cette vigne perd soudain de sa clarté.
Ses collines sont dévastées, comme
après une méchante grêle, ou comme engluées dans une stratégie haineuse de
captation d’héritage !
Dans le texte d’Isaïe, elle
ne donne pas de fruit et suscite la désolation du propriétaire.
De façon allégorique, le
prophète Isaïe désigne du doigt les mauvais vignerons qui ne sont autres, à ses
yeux, que les chefs des prêtres et les pharisiens qui n’ont pas su veiller sur
la vigne d’Israël, qui ont trahi la pureté du message, celui de la Genèse, de
l’Exode, des prophètes et se sont installés, bien à l’abri, dans le confort de
leur sinécure cléricale !
Dans l’Évangile, la vigne
représente le Royaume confié par le Père à un peuple qui, lui aussi, dévoie la
Bonne nouvelle, refuse la conversion du cœur, et va jusqu’à tuer le propre Fils
du propriétaire…
D’un côté comme de l’autre,
la vigne de la vie est donnée, offerte, proposée et l’homme rejette, piétine,
bafoue ce don.
Par peur, appât du gain,
volonté de puissance, désir d’être à soi-même son propre vigneron !
Peut-être que ces histoires
de vignes transformées en champ de bataille ressemblent parfois un peu à nos
propres vies ?
Comme les piètres vignerons
de l’Évangile, nous voudrions être les seuls propriétaires de nos existences,
régner en Maître sur la vigne de nos vies…
Des vies auxquelles nous
voudrions épargner la grêle, la taille à la fois douloureuse et amoureuse de ce
qui nous encombre, la sécheresse, la maladie, le « mildiou » du corps
et l’âme, le « pressoir » de
la Croix…
Nous nous rêvons en vignerons
tout puissants et auto suffisants.
« Besoin de
personne ! » dit la chanson…
Et surtout pas d’un
« sauveur » qui viendrait entretenir, tailler, redresser, nos propres
sarments rétifs…
Or, ce que nous propose le
Christ, c’est justement un dessaisissement, un « lâcher prise ».
Il nous offre de lui confier
la vigne de notre propre existence, de le laisser prendre soin des fruits de
nos vies, vigneron aimant et attentif face à toutes les fragilités qui nous
guettent.
Pour laisser le maître de
notre vigne préparer avec soin la vendange, saint Paul, dans son épître aux
Philippiens, nous donne un précieux conseil :
« Ne soyez inquiets de rien,
mais, en toute circonstance,
priez et suppliez,
tout en rendant grâce,
pour faire connaître à Dieu votre demande.
Et la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut
concevoir,
gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ
Jésus. »
Je vous invite à méditer ces
mots de feu de saint Paul. Tout y est dit !
Et d’abord cette profonde
vérité : tout passe d’abord par la prière. Ce lent et fécond
dessaisissement, cette remise de la vigne de nos vies entre les mains du Divin
Vigneron ne sont possibles que si nous confions nos existences au pressoir de
la prière.
Une prière qui, patiemment,
nous extirpera de cette mauvaise inquiétude qui si souvent nous ronge.
Une prière qui ne craindra
pas de « faire connaître à Dieu
notre demande ». Voir de « supplier
le ciel ».
Une prière qui n’oubliera
pas, malgré toutes les blessures qui nous assaillent, de « rendre grâce » pour la vie qui, malgré tout, est là.
Une prière qui, pas à pas,
nous permettra d’accéder à cette « paix
de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir ».
En nous parlant ainsi de la
prière, saint Paul n’ignore rien du « dur métier de vivre ».
Il ne confond pas la prière
avec un édredon, un épais coton de
chloroforme ou une sorte d’anesthésie générale qui nous dispenserait d’avoir à
affronter les coups de butoir inévitables de la vie.
Pour lui, prier, ce n’est pas
fuir le monde, c’est au contraire se donner les moyens de mieux le rejoindre.
Et ne faisons pas l’erreur
des mauvais vignerons qui veulent tout contrôler et tout diriger : dans la
prière, le principal « acteur » ce n’est pas nous !
Prier, ce n’est pas
« faire » des prières, c’est « se laisser faire » !
Nous avons juste à confier au
Christ Vigneron le cœur de notre vigne intérieure.
Et lui saura en nous, souvent
sans nous, parfois avec nous, rejoindre, à travers nous, son Père.
Alors, peut-être que nous
sera donner de gouter quelques instants au vin de cette « paix qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir »
évoquée par saint Paul.
Nous pourrons alors faire
nôtres ces paroles du psaume, magnifiquement reprises dans un célèbre chant de
Taizé :
« Mon âme se repose, en paix sur Dieu seul. De
lui, vient mon salut ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire