20.1.17

VENEZ À MA SUITE...

Dimanche 22 janvier 2017 - Troisième Dimanche Temps Ordinaire – Année A

L’Évangile de ce dimanche nous relate les tous débuts de la vie publique de Jésus et de sa prédication.

Nous assistons à un dramatique passage de témoin, entre Jean le Baptiste, dernier grand prophète du Premier Testament et Jésus.
Nous sommes vraiment à la charnière entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.

Jean vient d’être arrêté et va mourir en martyr et Jésus, qui a reçu de ses mains le baptême dans l’eau du Jourdain, prend le relais.

Pour Jean, c’est le temps de l’effacement.
Pour Jésus, celui de l’éclosion.

Jean annonçait la grande promesse de la venue d’un messie, d’un sauveur.
Jésus vient accomplir cette promesse.

Comment se lance-t-il dans sa mission ?
Notre texte nous donne de précieuses indications :

Tout d’abord, ce départ, cette mise en route de Jésus, se situe à Capharnaüm, ville-carrefour de Galilée, située au bord du lac de Tibériade, ville où cohabitent des populations aux origines mêlées, ville qu’on appelait alors le « carrefour des Nations ».

Comme souvent dans la Bible, le lieu indiqué n’est pas simplement géographique mais symbolique.

Ainsi, la Bonne Nouvelle, s’offre, dès le début de la prédication de Jésus, à toutes et à tous, pas  d’abord aux plus proches, aux plus « pratiquants », aux meilleurs « observants », mais d’emblée également aux « lointains », aux mal croyants, aux différents, aux « pas comme il faut » !

Cette « grande lumière » annoncée à Noël est pour tous, pas uniquement réservée aux juifs pieux, aux « bons paroissiens » et aux pratiquants réguliers ! Dès l’origine, la parole de Jésus est placée sous le signe de l’ouverture, de la sortie, du déplacement. Jésus n’attend pas qu’on vienne à Lui ; c’est lui qui va vers l’autre, tout autre, quelque soit son histoire, ses origines, son « degré » de foi, sa « confession », sa « conformité » au dogme et à la bonne morale…

Jésus n’invite pas à se replier dans un sanctuaire, entre « purs », bien à l’abri derrière leur muraille face à un monde prétendument décadent ; il regarde le monde (avec ses ombres et ses lumières, ses grandeurs et ses faiblesses) comme le seul « sanctuaire » pouvant accueillir sa divine Présence.
Désormais, c’est le cœur de tout homme qui est le « tabernacle » de sa présence.

Sa question – qui est la nôtre aujourd’hui – n’est pas tant de savoir qui vient encore dans nos églises ; mais vers qui va l’Église ?

L’autre indication que nous livre notre texte d’Évangile est que, dès l’origine, le Christ ne se lance pas seul dans sa mission.

Il refuse le rôle du sauveur tout puissant et omnipotent. Dès le départ, il indique que sa mission ne pourra pas s’accomplir sans l’aide des hommes. Et il n’appelle pas des surhommes, mais des gens ordinaires, simples,  limités, tissés, comme vous et moi, de pesanteur et de grâce.

Jésus remet le trésor de l’évangélisation au creux de nos mains tremblantes et rugueuses ; il fait porter l’annonce de la Bonne Nouvelle sur nos épaules fragiles ; il fait alliance avec l’humanité concrète et souvent blessée pour annoncer au monde l’espérance… D’emblée, l’annonce de l’Évangile suppose une démarche collective, communautaire et fraternelle.

Comme si le message des Béatitudes (que nous entendrons dimanche prochain) ne pouvait résonner et donner sa fécondité que dans la mesure où il est annoncé à plusieurs…

En contemplant cette scène où Jésus appelle par son prénom chacun de ses disciples, laissons résonner en notre cœur plusieurs questions :

-       Que faire contre cette surdité qui si souvent s’empare de nous et nous empêche d’entendre le Christ nous appeler chacune et chacun par notre prénom ? Comment désensabler l’oreille de notre cœur ?

-       Comment répondre concrètement, dans la vie qui est la nôtre, à cet appel de Jésus, à nous mettre en route, à quitter nos habitudes, nos certitudes, le confort de nos communautés pour aller, avec lui, à la rencontre des « Nations », ces « lointains » si proches, qui campent à nos portes, et  que nous ne voyons pas, ou que nous ne voulons pas voir ?

L’Évangile précise que les disciples « laissent leurs filets » pour le suivre. Qu’est-ce que cela veut dire pour nous ?
Nous n’avons pas nécessairement à quitter notre propre vie pour « laisser tout ».
Nous sommes sans doute même d’abord appelé à entendre cet appel à « tout laisser » au cœur de l’existence qui est la nôtre, au cœur de nos engagements familiaux, professionnels et autres.

Oser laisser sur la berge de notre propre vie ces « filets », ces peurs, ces fausses sécurités qui nous entravent et nous empêchent si souvent d’aimer large.

L’appel, la « vocation » (qui n’est pas réservée aux moines et aux consacrés !) devrait attiser en nous le désir de nous « déplacer » même si, apparemment, nous restons immobile dans la vie qui est la nôtre. Changer de vision du monde, opter pour une autre échelle de valeur devant ce que nous appelons notre « réussite ». Un déplacement intérieure, une mise en route, un décentrement qui mettra toujours davantage le Christ au centre de nos jours.

Un déplacement social aussi, et solidaire. Devenir « pêcheur d’hommes », à la suite du Christ, c’est sortir de soi pour porter secours à toutes celles et tous ceux qui se noient dans les flots tempétueux de l’indifférence et des égoïsmes.

Car, à quoi bon aller nous agenouiller devant le tabernacle, si, du même mouvement, nous refusons de nous agenouiller devant le frère qui souffre à nos portes ?

« Dieu n’a que nos mains et que notre cœur pour aimer ce monde et le transformer » disait Sœur Emmanuelle !