Méditations pour le 1er dimanche de l'Avent (année A)
Avouons-le franchement :
chaque année, l’Avent nous prend un peu par surprise. Les rigueurs de l’hiver
frappent à la porte, la fin de l’année et son lot de préoccupations nous
assaillent... Pour celles et ceux qui travaillent, c’est une période souvent
rude : bilan, clôture des comptes, négociations salariales, affluence dans
les magasins…
Le mois de décembre sent la
surchauffe !
Et pour d’autres, les
semaines qui s’annoncent suscitent comme un pincement au cœur : la
perspective des fêtes réveille les douleurs de la solitude, de la maladie, de
la séparation, du manque de travail…
Tant de soucis !
Difficile de trouver, dans
nos agendas et dans notre cœur, du temps pour penser vraiment à la grande
nouvelle de Noël. L’enfant de la Promesse débarque un peu comme un intrus dans
nos vies.
On
peut s’en inquiéter mais on peut aussi s’en réjouir : Dieu n’attend pas
que notre « auberge intérieure » soit rangée, repeinte à neuf et tout
à fait propre pour venir y naître ! C’est dans la mauvaise paille de nos
vies dispersées et préoccupées qu’il vient offrir son premier sourire, c’est en
pleine pâte et pesanteur humaine qu’il vient habiter.
Commençons, par nous pencher
sur ce magnifique Psaume 121 que nous venons d’entendre. Il fait partie d’une
série de psaumes qu’on nomme les « psaumes des montées ».
Après des jours de marche,
les pèlerins montaient sur le mont des oliviers et pouvaient enfin contempler
Jérusalem, ville choisie par David pour y établir la capitale du peuple hébreux
et y déposer « l’arche d’Alliance », ville au sommet de laquelle
Salomon bâtira son Temple.
Si l’Eglise, nous propose ce
beau psaume des montées en ce 1er dimanche de l’Avent, c’est que nous
avons, nous aussi, à nous faire pèlerins, à nous mettre en marche, à monter,
pas à pas, jour après jour, vers ce « sommet » de la vie
chrétienne : l’incarnation de Dieu, la naissance de Jésus, fils de
l’Eternel, au cœur des fragilités humaines.
Car Noël, c’est avant tout le
dépouillement inoui de Dieu qui descend de son « ciel » et de sa
toute-puissance pour venir habiter notre humanité.
Nous ne marcherons donc pas
vers les splendeurs du Temple de Jérusalem mais vers une obscure bourgade,
Bethléem, en Judée où va naître un « roi » sans couronne, sans armée,
sans pouvoir temporel.
Et notre psaume nous annonce
que notre pèlerinage, notre montée vers Jérusalem, nous donnera une chose
essentielle : la Paix.
« Paix à ceux qui
t’aiment » dit le psaume.
Voici donc une première
indication pour, pendant ce temps de l’Avent, nous préparer à Noël. Nous avons
à chercher la paix, à bâtir la paix.
Ce que nous confirme ce très
beau passage d’Isaïe (dans notre première lecture) :
« De leurs épées ils
forgeront des socs de charrues, et de leurs lances, des faucilles ».
Il s’agit, bien entendu, de
faire la paix autour de nous : l’enfant de la Promesse ne peut pas naître
au milieu de nos divisions. Prendre au sérieux ce temps de l’Avent, c’est donc
se faire autour de nous « artisans de paix ».
Si nous voulons vraiment que
le Christ vienne naître dans nos vies, nous avons à nous faire artisans de
l’amour, du pardon, de l’écoute, du dialogue dans tous les lieux où nous sommes
engagés : notre famille, notre couple, notre communauté, notre milieu
professionnel ou associatif, notre nation où, malgré les âpres débats
politiques, nous devons privilégier l’écoute à l’invective, notre Eglise aussi
où, suivant nos « sensibilités ecclésiales » nous sommes parfois si
prompts à nous faire des procès…
Mais la paix dont parle
l’Ecriture, c’est aussi la Paix du cœur, la paix intérieure. En effet, pour
naître en nous, au plus profond de notre cœur, le Christ a absolument besoin
que nous lui construisions, pendant chaque jour de l’Avent, une sorte de
« berceau » de paix dans lequel il pourra être accueilli.
Voici que ce premier dimanche
de l’Avent nous invite à travailler à l’unité : l’unité autour de nous
mais aussi l’unité en nous !
Et cela suppose que nous nous
posions trois questions toutes simples :
Qu’est-ce qui, dans ma vie,
est vraiment essentiel ?
Que puis-je faire pour que
cet « essentiel » soit réellement au cœur de mon existence ?
Et puis-je m’approcher de cet
essentiel sans, du même mouvement, me décentrer et m’approcher de ces
périphéries où l’homme crève d’exclusion, de déplacement, de solitude, de
misère ?
Isaïe, comme le psalmiste,
nous invite, à « monter sur la montagne » :
Oui, il nous faut, pendant
l’Avent, prendre de la hauteur. Dégager dans l’agenda, le temps nécessaire pour
travailler à cette paix à construire autour de nous et en nous !
Prendre de la hauteur pour
voir et entendre enfin le pauvre qui crie à nos portes.
Et si la seule manière de monter
vers Dieu était de descendre au plus près des laissés pour compte de nos
sociétés aveuglées par les tentations du repli et de l’égoïsme ?
Saint Paul, dans son épître, nous
le dit sans détour :
« L’heure est venue de
sortir de votre sommeil ».
Nous sommes si souvent des
chrétiens endormis, des chrétiens si peu chrétiens, des chrétiens
anesthésiés !
Lorsque les premiers
chrétiens ont cherché à quelle date ils pouvaient faire mémoire de la naissance
du Christ, ils ont choisi symboliquement le solstice d’hiver, c’est à dire ce
jour de l’année où le jour commence à l’emporter sur la nuit.
Vous savez ce jour où, à la
télévision, la présentatrice de la Météo commence à annoncer des minutes de
jour en plus !
Eh bien, vivre l’Avent, c’est
travailler à notre « solstice intérieur », c’est travailler à faire
reculer la nuit, l’obscurité en nous et autour de nous, c’est mener ce combat
spirituel pour que, peu à peu, ce soit la lumière qui l’emporte.
« Que nous serons
heureuses quand Dieu seul règnera dans notre cœur, notre esprit et notre volonté »
disait à ses soeurs sainte Emilie de Villeneuve.
C’est de ce combat spirituel
dont nous parle d’ailleurs l’Evangile de ce jour : ne vous y trompez pas,
lorsque le texte nous dit que sur les deux hommes au champ « l’un sera
pris et l’autre laissé », il ne s’agit pas de faire le partage entre les
bons et les méchants. Nous ne sommes pas dans un western !
Non, il s’agit, à l’intérieur
de chaque homme, de chacune et chacun d’entre nous, de faire ce travail de
partage, d’émondage, entre la nuit et la lumière, entre les forces de vie et
les puissances de mort.
Je nous souhaite, en ce 1er
dimanche de l’Avent, de nous mettre en route vers ce Bethléem secret qui se trouve
au centre de notre cœur où Dieu attend de naître.
C’est en naissant en chacune et
chacun d’entre nous que le Christ pourra réellement venir au monde et tendre,
avec nous et par nous, ses bras secourables à toutes les pauvretés !
« J’écoutais le cri des
pauvres, et j’entendais le cri de Dieu » disait encore sainte Emilie de
Villeneuve qui n’a pas hésité à quitter sa vie confortable dans son château
familial de Castres au début du 19ème siècle pour aller servir les
jeunes ouvrières, les malades, les prostituées et les prisonniers.
Demandons-nous quels
« châteaux » nous avons à quitter pour nous faire disciple du Christ
serviteur…
Béthléem veut dire, en
hébreux « maison du pain ».
Demandons-nous, en marchant
vers Noël, quel « pain » nous avons à cuire en notre cœur pour
apaiser les affamés à nos portes !
(c) bertrand révillion