13.6.10

Méditation pour le dimanche 13 juin 2010

11ème Dimanche du Temps Ordinaire Année C

Nos trois lectures, Frères et Sœurs, se sont données le mot aujourd’hui, pour essayer de nous faire un peu réfléchir à l’attitude que nous entretenons avec la loi, avec la morale…
Il est vrai que notre manière d’envisager à quelle condition peut nous être accordé le pardon de Dieu n’est pas toujours très juste, il faut bien l’avouer.
Nos lectures de ce jour peuvent nous aider à faire un bout de chemin spirituel !

Commençons par cet épisode célèbre mais pas très glorieux de la vie du grand roi David.

David, un soir, alors qu’il se promène sur la terrasse de son palais à Jérusalem, aperçoit une très jolie jeune femme en train de… prendre son bain.
Je vous laisse imaginer la scène…
…enfin, pas trop quand même !!!

Immédiatement, il désire cette femme, la splendide, la douce, la fascinante Bethsabée.
Mais pas de chance, elle est mariée à Ourias le Hittite partit, au nom du roi, faire le siège de l’ancêtre de la ville d’Amman.
David n’hésite pas très longtemps, cède à ses pulsions, envoie paître la bonne morale et séduit Bethsabée.

Mais notre feuilleton biblique se complique lorsque, quelques temps plus tard, la belle tombe enceinte.
Gare au scandale !

David imagine alors un vilain stratagème : il trouve une mission plus ou moins « bidon » pour faire revenir Ourias, le temps d’une permission.
Ainsi, lorsque le guerrier aura passé quelques jours avec son épouse, il sera facile de lui attribuer l’enfant.

Mais, nouveau rebondissement :Ourias, bien qu’il ne soit pas juif, sait que la loi de Moïse impose la continence aux guerriers en campagne. Il refuse donc d’aller chez lui retrouver sa femme.
Le scandale risque d’éclater : l’article dans le « Canard enchaîné » de l’époque se profile dangereusement à l’horizon !

Que faire ?
Je vois à vos yeux, Frères et Sœurs, que vous attendez l’épisode suivant de cette version biblique de « Plus belle la vie » !

Le voici : David renvoie Ourias au front et demande à ses chefs de le placer en première ligne afin qu’il se fasse tuer.
Pas d’autre solution que d’éliminer le mari gênant.

Ce qui, tristement, arrive.
Les délais légaux du deuil passé, David peut enfin installer officiellement Bethsabée au palais et reconnaître l’enfant.

Histoire sordide qu’on croirait sorti d’un mauvais scénario de « série B » mais qui se trouve pourtant en toutes lettres dans la bible, au 2ème livre de Samuel.

Et la morale, me direz-vous ?
Eh bien la voici, dans notre texte qu’il nous faut regarder de près !

Le prophète Natan, parfaitement au courant des turpitudes de son roi, va trouver David.
Habilement, il commence par lui raconter une petite histoire :
« je connais un homme qui, dans une ville de ton royaume, s’est mal conduit. Bien que riche et possédant un important bétail, il a chipé la seule agnelle de son voisin pour ripailler avec ses amis ».
David et choqué et veut immédiatement sévir.

Alors Natan lui dit : « ce mauvais riche, c’est toi ! »

On imagine aisément la scène suivante : poussant son avantage le prophète Natan pourrait passer un « savon » royal à David, le mettre face à son péché, le plonger dans sa culpabilité, lui faire la honte de sa vie…

Eh bien, il fait exactement le contraire !
Avant d’obtenir le moindre regret de David, Natan lui annonce que Dieu ne renie aucun de ses bienfaits !

Il fait la liste de tout ce que Dieu lui a donné et il ajoute même cette phrase surprenante :
«si ce n’est pas encore assez, j’y ajouterai tout ce que tu voudras ».

Voici, Frères et Sœurs, sans doute l’une des plus belles définitions du pardon !

Dieu passe par-delà le péché et l’infidélité de David, Dieu continue d’aimer et de donner.
Natan dit tout cela à David avant qu’il ait le temps d’ouvrir la bouche et d’exprimer le moindre pardon.

Autrement dit, Frères et Sœurs, le pardon de Dieu n’est pas conditionné par notre conduite, par nos actes.
Il est d’avance donné. Ce n’est pas par nos actes – fussent-ils de repentance - que nous sommes « justifiés », c’est-à-dire, comme un instrument de musique, « accordé » à l’amour de Dieu. C’est par grâce, par don gratuit de Dieu

C’est parce que, tout à coup, il se sait pardonné, que David prend conscience de son péché !
Et qu’enfin il se met spirituellement en marche sur un chemin de renouveau.

Autrement dit, Frères et Sœurs, comme souvent avec le Christ des Béatitudes, l’ordre des choses est inversé.

Nous croyons que notre changement d’attitude est un préalable au pardon de Dieu, alors que c’est l’inverse.

Dieu ne met pas de condition à son pardon et à son amour.
Le changement d’attitude n’est pas le préalable au pardon, il en est la conséquence !

Puisque, malgré ce que j’ai pu faire ou dire, Dieu me garde son amour, je ne peux qu’être entraîné, devant un tel amour, un tel pardon totalement gratuit, à changer.

C’est, si j’ose dire, Frères et Sœurs, une « sacré » révolution dans notre conception de la morale !

Saint Paul nous le dit à sa façon très théologique dans notre seconde lecture : « ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ».

Autrement dit : ce n’est pas en obéissant aveuglément à des principes moraux – fussent-ils extraordinaires - que je m’ajuste à Dieu, ce n’est pas en respectant toute une liste de règles qui me rassurent en me faisant espérer être du « bon côté », c’est en prenant conscience de l’amour infini et inconditionnel de Dieu pour moi que je suis amené à changer, à me renouveler.

Dieu aime le premier, qui que je sois, et quoi que j’ai pu faire. La grâce est toujours donnée !

Maurice Zundel, un prêtre suisse qui fut un grand maître spirituel, le dit avec ses mots :

« L’Evangile est une mystique, ce n’est pas une morale. Une morale, c’est une conformité à une Loi. Une mystique, c’est une prise de position en face de Quelqu’un. »

Dans notre épisode évangélique, on voit bien que le pharisien ne comprend rien à ce qui se passe sous ses yeux.
Comment Jésus peut-il laisser une prostituée se comporter ainsi ?
Il devrait la chasser car elle doit d’abord, selon la « bonne morale » pharisienne, commencer par changer de vie avant d’oser se présenter ainsi devant le Seigneur.

Mais c’est justement parce que Jésus ne la chasse pas, que cette femme pleure et lave de ses larmes les pieds du Christ.
Elle a immédiatement compris qu’elle était d’emblée pardonnée, que le pardon de Dieu lui est accordé sans condition préalable.
Cela n’efface pas sa faute. Elle connaît son péché mais elle se sait pardonnée sans condition.
Elle sait maintenant le chemin de conversion qu’elle doit accomplir.

Pour conclure, Frères et Sœurs, je vous invite à ne pas « zapper » la fin de notre passage d’Evangile.
Il est dit de Jésus qu’il était accompagné des Douze « ainsi que des femmes qu’il avait délivrées d’esprit mauvais ».

Ainsi, les pécheurs pardonnés marchent dans le sillage du Christ, sans être condamnés, rejetés, interdits de pardon, exclus de la sainte table de la Résurrection.

A méditer dans notre Eglise d’aujourd’hui, dans notre communauté, dans nos relations avec celles et ceux que nous jugeons et rejetons parfois au nom de la conception souvent étriquée que nous nous faisons de la morale chrétienne.

Blaise Pascal a écrit quelque part :

« La vraie morale se moque de la morale » !

Amen.